Dans le cadre de notre projet Ursino, nous vous invitons chaque mois à découvrir une recette traditionnelle partagée par un chef, une célébrité ou un.e anonyme.
Découvrir un plat, son histoire, comment il est consommé ou encore les souvenirs qui y sont rattachés, c’est précisément ce que font nos élèves tout autour du monde. Sur cette base, ils mènent des recherches pour découvrir l’origine des plats et de leurs ingrédients.
L’objectif : qu’ils découvrent par eux-mêmes que nos cultures, notamment culinaires, se sont de tous temps enrichies de la diversité et des rencontres entre les peuples.

Vous le connaissez sans doute déjà, l’unique, le sapé, le multicolore Tonton Freddy Chokoté.
Vous l’avez vu notamment sur M6, avec son frère Tonton Gaudrey, dans l’émission « Qui veut être mon associé ». Il est également très présent sur LinkedIn, un canal peu commun (et manifestement très efficace!) pour communiquer sur un restaurant. Leur approche de la cuisine africaine, fraîche, dynamique, résolument moderne, avait fait mouche. Pour ouvrir leur restaurant Les Tontons Afro à Lille, le premier de ce qui sera la première chaîne de restaurants africains, ils cherchaient un investisseur qu’ils ont trouvé en la personne d’Éric Larchevêque. Et c’était parti pour la grande aventure !
Tonton Freddy, formé à l’école hôtelière du Touquet, est en charge (notamment) de la cuisine. Et quelle cuisine ! Il nous a fait l’honneur et le plaisir de nous accorder une interview Ursino autour d’un plat emblématique de l’Afrique: le mafé.
Bon voyage dans la cuisine africaine… et dans la #sapologie* !
*Sapologie: La marque de fabrique des Tontons Afro: l’art de bien s’habiller en osant et en se démarquant.
Présente-nous une recette traditionnelle qui te tient à cœur…
« Il s’agit d’un plat, une sauce, à base de beurre d’arachide. Au Cameroun on l’appelle sauce d’arachide, au Sénégal et au Mali on l’appelle mafé. Je l’ai choisi car c’est un plat qui est présent dans toute l’Afrique subsaharienne. On y met de la tomate, des oignons, du piment…
Généralement il est servi avec du riz. C’est d’ailleurs intéressant parce que le riz est très présent en Afrique et pourtant il n’y est que très peu cultivé.
En gros le mafé est un plat qui met d’accord tous les pays d’Afrique noire. »
Qui préparait ce plat ? Comment t’a-t-il été transmis ?
« Ce plat me fait penser à ma mère. J’ai vu comment elle le préparait, à méthode camerounaise où on le fait plus liquide qu’ailleurs. »
Que t’évoque ce plat ? As-tu des souvenirs particuliers ou des anecdotes qui y sont liés ?
« La sauce d’arachide pour moi c’est d’abord une odeur. Ça commençait toujours par ma mère qui annonçait qu’on allait préparer la sauce. Chez nous quand on cuisine, on ne fait pas une recette pour une seule personne, la cuisine ça se partage ! Alors ça m’évoque aussi la convivialité. »

Crédit photo : Le Mafé de Tonton Freddy – ©Freddy Chokoté
Ce plat te semble-t-il plutôt ancien ou récent ? Est-il en train de disparaître ? À quel territoire penses-tu qu’il soit rattaché ?
« C’est un plat ancien. Le Sénégal et le Mali se disputent son origine mais il est vraiment consommé partout dans l’Afrique subsaharienne. Il est loin de disparaître ! »
As-tu connaissance d’autres variantes de ce plat ? Ou de plats similaires dans d’autres pays ou régions ?
« Au Cameroun on y met de la pâte d’arachide, de l’eau, des épices, de la tomate. Certains mettent plus ou moins de tomate. La version la plus connue c’est avec du bœuf, mais ça se prépare aussi avec du poulet ou du poulet fumé ou encore du poisson fumé (le bifaka, hareng fumé). Certains mettent des carottes. Au Sénégal le mafé est plus foncé car il y a plus de pâte d’arachide et certains utilisent de l’huile de palme (qui a une teinte rouge qui colore la sauce). »
Comment et quand ce plat est-il consommé en général ?
« Il ne s’agit pas d’un plat de fête. Par exemple chez nous dans les mariages il y a de grands buffets. S’il y avait du mafé sur le buffet ce n’est certainement pas ce que je choisirais ! C’est un plat de tous les jours, un classique. Même s’il n’y a pas de viande, on peut le manger avec du poisson fumé. Quand on le prépare avec du poulet, il s’agit d’un plat de choix !
Pour l’anecdote, il existe une recette également au Cameroun qui s’appelle le « Poulet DG » (Directeur Général) parce que le poulet était cher ! Il est cuit avec des légumes et des bananes plantains. J’aurais pu te parler de ça aussi, c’est typique camerounais ! »
Existe-t-il des rituels de consommation de ce plat ?
« Au Sénégal ils mangent tous dans le même plat avec une cuillère. Au Cameroun chacun a son assiette. Ça dépend des ethnies en réalité. Dans le Nord du pays on mange tous dans le même plat aussi, avec une cuillère, assis par terre, peu importe la classe sociale. Mais on n’y mange pas de mafé. Dans le Sud, chacun a son assiette.
Il y a quand même une « occidentalisation ». Dans les restaurants chacun a son assiette. Par contre, dans la rue, c’est à l’ancienne ! »


Y a-t-il d’autres plats traditionnels que tu as à cœur de transmettre à tes enfants ?
À quoi associes-tu la cuisine et le temps du repas ? En quoi est-ce que cela te semble important dans une culture, une société ?
« Depuis que je suis tout petit ma voie était tracée. Je voulais être cuisinier. Pour moi, la cuisine c’est le plaisir. Je cuisine pour faire plaisir. La raison d’être de mon restaurant, Les Tontons Afro, c’est de faire plaisir aux clients. Et si les salariés et les clients sont contents, alors je suis content.
Et puis il y a LA phrase que tout le monde connaît « Maman… on mange quoi ? ». Alors pour moi la cuisine c’est aussi ma mère. Moi, je ne comprends pas qu’on encense les chefs étoilés et pas les mamans qui cuisinent à la maison. »
La recette du Mafé
Ingrédients :
-
- 500 g de poulet (sans peau et désossé ) coupé en petits morceaux
- 1 oignon haché
- 1 piment fort
- 3 gousses d’ail hachées
- 1 c-a-soupe de gingembre frais râpé
- 1 c-a-c de paprika fumé
- ½ c-a-c de thym
- sel, poivre
- 2 grosses tomates (environ 75 g), coupées en dés
- 1 c-a-soupe de concentre de tomate
- 750 ml de bouillon de poulet
- 1 patate douce moyenne coupée en cube
- 2 carottes coupées en rondelles
- 2 c-a-soupe de beurre de cacahuète crémeux
- ½ botte de persil ou coriandre ciselée

Étapes :
- Dans un saladier mélanger ensemble les morceaux de poulet, l’oignon et l’ail. Saler et poivrer.
- Chauffer l’huile d’olive dans une poêle profonde et ajouter les morceaux de poulet. Faire revenir environ 5 minutes.
- Ajouter l’oignon, l’ail, le gingembre, le piment, le paprika, thym, sel, poivre et bien mélanger le tout.
- Laisser revenir jusqu’à ce que l’oignon soit translucide.
- Ajouter les tomates réduites en purée, le concentre de tomate, le bouillon et le piment fort et mélanger le tout.
- Couvrir et laisser mijoter environ 20-30 minutes.
Bonus
Quelle est ta madeleine de Proust ?
Le croissant ! Je suis un spécialiste des croissants. C’est au beurre ou rien ! Bien feuilleté. Ça varie selon mon humeur, il y a plein de sortes de croissants.
3 invités que tu aurais envie de réunir autour d’une table de dîner ?
Mes parents et Dieu.
Ta « world food » préférée ?
Je ne peux pas dire le Cameroun puisque ce n’est pas de la world food pour moi. Alors je vais dire la Chine. C’est assez proche de chez nous finalement, avec le riz et toutes les épices !
Un restaurant à nous conseiller ?
Le Barbier qui fume à Lille, c’est mon restaurant de viande préféré !
Si vous passez par le Nord de la France, allez voir Tonton Freddy dans son restaurant les Tontons Afro au 42 Rue de la Monnaie à Lille. Suivez-les sur Instagram !