[Colombie] – La recette de l’ajiaco par Esperanza
Dans le cadre de notre projet Ursino, nous vous invitons chaque mois à découvrir une recette traditionnelle partagée par un chef, une célébrité ou un.e anonyme.
Découvrir un plat, son histoire, comment il est consommé ou encore les souvenirs qui y sont rattachés, c’est précisément ce que font nos élèves tout autour du monde.
Sur cette base, ils mènent des recherches pour découvrir l’origine des plats et de leurs ingrédients.
L’objectif : qu’ils découvrent par eux-mêmes que nos cultures, notamment culinaires, se sont de tous temps enrichies de la diversité et des rencontres entre les peuples.
Présente-nous une recette traditionnelle qui te tient à coeur..
C’est un plat très traditionnel colombien qui vient surtout de Bogota. C’était LE plat de Noël il y a longtemps, même si, avec l’influence des Etats-Unis, on fait maintenant souvent de la dinde. Aujourd’hui, il y a des personnes qui disent que c’est un plat de toute la Colombie mais non, à l’origine c’est vraiment un plat bogotanais.
C’est un plat qui demande beaucoup de préparation.
Qui préparait ce plat ? Comment t’a-t-il été transmis ?
C’était ma maman et ma grand-mère qui préparaient ce plat. À l’époque, comme dans beaucoup de familles, nous avions des « empleadas », des employées de maison pour le ménage, la cuisine… Pour Noël, la personne qui aidait pour la cuisine restait pour aider Maman à préparer les
ingrédients. Mais seules ma mère et ma grand-mère avaient ensuite le droit de préparer l’ajiaco.
Mes parents sont arrivés à Bogota juste après leur mariage. Ma mère avait l’obsession de la cuisine et elle a donc pris des cours de cuisine pendant la semaine en arrivant ici. Ensuite le week-end, elle le faisait avec nous ! Mon père aussi s’est mis à beaucoup cuisiner quand il était à la retraite, particulièrement à faire du pain et des pâtisseries, notamment les almojabanas et le pan de yuca qui sont typiques aussi de Colombie.
Nous sommes 5 filles et toutes nous aimons la cuisine. Ma maman prenait vraiment le temps de nous enseigner la cuisine.
Que t’évoque ce plat ? As-tu des souvenirs particuliers ou des anecdotes qui y sont liés ?
Ça me rappelle un Noël où l’employée de maison avait tout laissé bien préparé pour faire l’ajiaco et à 20h ma mère s’est rendue compte qu’elle ne trouvait pas le poulet ! À cette époque c’était impossible de trouver du poulet au dernier moment comme ça ! Elle avait toujours du poulet au congélateur mais ce n’est pas pareil, ça n’a pas le même goût. Tout le monde a pleuré de déception ! C’était horrible ! On avait tout le monde à la maison, les voisins, les amis… et tout le monde adorait manger l’ajiaco de Rita. La transmission et le partage étaient vraiment très importants pour mes parents.
As-tu connaissance d’autres variantes de ce plat ?
Il existe deux versions de l’ajiaco. Celui classique et l’ajiaco blanc où on n’utilisait pas les pommes de terre jaunes (ça date des années 1960 et avant).
Selon les régions de Colombie, il y a des ajiacos qui sont différents de celui d’origine. Certains ajoutent des bananes plantain ou un peu de manioc comme dans la région du Santander, à Huila et peut-être sur la côté.
Ce plat te semble-t-il plutôt ancien ou récent ? À quel territoire penses-tu qu’il soit rattaché ?
C’est un plat très ancien qui s’est tellement démocratisé qu’il devient un plat du quotidien et qu’on le mange maintenant dans tout le pays. À l’origine, il vient de Bogota. La manière de le faire à l’ancienne a sans doute changé.
Esperanza enfant
Comment et quand ce plat est-il consommé en général ?
C’est un plat de fête. On le consomme avec de l’avocat, de la crème, des câpres et du riz. Certaines personnes mettent le riz dans l’ajiaco mais moi je préfère le mettre à part.
La tradition est de servir ensuite au dessert la mousse de maracuya (fruit de la passion) et de l’accompagner de crème de caroube (jus du fruit du caroubier avec du lait). Et si certains n’aiment pas la mousse de maracuya, on peut également faire de la mousse de caroube.
On boit rarement des boissons alcoolisées avec l’ajiaco.
Peut-être qu’à une époque on consommait du refajo ? C’était un apéritif composé à moitié de bière, à moitié de « soda colombiana », mais ça s’est perdu.
Et puis il existait aussi la mistela, des herbes macérées dans la mélasse puis mélangées avec de l’aguardiente (eau de vie), que l’on préparait pour la Saint Jean. Même les enfants en buvaient ! C’est originaire de Huila.
» Le dimanche, la maison était pleine. C’est pour ça que je suis comme je suis, que j’aime tant recevoir et partager, faire confiance à tout le monde, avec le sourire ! «
Existe-t-il des rituels de consommation de ce plat ?
Pas vraiment… On sert les ingrédients séparément et chacun met ce qu’il veut dans son assiette. Par contre on a un ustensile spécial que l’on utilise, le pique ou « pincho » pour le maïs que l’on plante dans l’épi de maïs pour le manger plus facilement. Ensuite on mange le reste du plat avec une cuillère à soupe et une fourchette.
Y a-t-il d’autres plats traditionnels que tu as à cœur de transmettre à tes proches ?
Oui, j’aimerais bien partager la cuisine costeña (de la côte Caraïbe): le riz coco, les arepitas de huevo que je fais avec des œufs de caille… La posta cartagenera aussi, une viande cuite pendant très longtemps, qui est très tendre. J’avais une employée de maison à un moment qui m’a transmis ses recettes et mes enfants les adorent !
Esperanza et sa famille
À quoi associes-tu la cuisine et le temps du repas ?
Pour moi, ça représente l’enfance douce et tendre que j’ai eue. Toujours parler de cuisine, manger, las onces (le goûter)… Je me souviens bien de las onces ! C’était le moment à 17h où tout le monde se réunissait. Tout le monde connaissait « las onces de Rita » (le goûter de sa maman). C’était un moment de partage et de générosité.
Le dimanche, la maison était toujours pleine. Il y avait parfois 20 ou 30 personnes ! On avait toujours des invités.
C’est pour ça que je suis comme je suis, que j’aime tant recevoir et partager, faire confiance à tout le monde, avec le sourire !
La recette de l’ajiaco
Ingrédients
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16 tasses d’eau
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500 g de pommes de terre jaunes « criollas »
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1kg de pommes de terre pastusas
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750g de pommes de terre sabaneras
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1,5kg de blanc poulet assez gros, sans peau
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4 maïs entiers coupés en 3 tronçons
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100g de viande « murillo »
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1 pomme de terre céleri
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3 oignons verts longs
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4 gousses d’ail hachées
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1 bouquet de feuilles de guascas
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1 bouquet de coriandre
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1 bouquet de céleri
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poivre et sel au goût
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1,5 tasses de crème fraîche épaisse, avocat et câpres au goût
1. Mettre à bouillir pendent 45min à 1 heure le blanc du poulet avec la viande « murillo », les pommes de terre pelées et coupées en tranches, l’oignons, l’ail, la coriandre et le céleri bien lavés.
2. Enlever les légumes lorsqu’ils sont cuits (ces ingrédients servent uniquement à donner de l’arôme à la soupe et c’est la base pour faire un bouillon).
3. Faire bouillir les maïs coupés en tranches avec les pommes de terre « sabaneras », également pelées et coupées en tranches.
Quand ils sont cuits ajouter les « pastusas » et « criollas ». Laisser bien épaissir.
4. Finalement ajouter les « guascas » au moment de servir.
5. Servir très chaud avec le poulet effiloché dans un plat de service et chacun se sert dans son bol et peut ajouter la crème fraiche, l’avocat et les câpres selon le goût.
Les parents d’Esperanza
Bonus
Quelle est ta madeleine de Proust ?
Les frites de maïs ! Je me souviens de ma maman devant la cuisinière qui les faisait avec délicatesse.
3 invités que tu aurais envie de réunir autour d’une table de dîner ?
La femme de l’ambassadeur pour qui je travaillais, Dana.
Ma maman parce qu’elle pourrait voir mon évolution en cuisine !
Et ma petite-fille, Isabel. Elle adore quand je lui apprends à cuisiner !
Ta « world food » préférée ?
La cuisine française ! Je me régale quand je vais en France, particulièrement avec les crêpes. Ca me rend heureuse !
Un restaurant à nous conseiller ?
Un restaurant à Barcelone que j’ai adoré : « La Españolita ».