Dans le cadre de notre projet Ursino, nous vous invitons chaque mois à découvrir une recette traditionnelle partagée par un chef, une célébrité ou un.e anonyme.
Découvrir un plat, son histoire, comment il est consommé ou encore les souvenirs qui y sont rattachés, c’est précisément ce que font nos élèves tout autour du monde. Sur cette base, ils mènent des recherches pour découvrir l’origine des plats et de leurs ingrédients.

L’objectif : qu’ils découvrent par eux-mêmes que nos cultures, notamment culinaires, se sont de tous temps enrichies de la diversité et des rencontres entre les peuples.

Originaire de Saint-Mathurin-sur-Loire, Mamie Denise nous a fait le plaisir de partager la recette des traditionnelles rillettes d’Anjou ainsi que son savoir-faire ancestral. Une recette transmise de génération en génération.

Crédit photo : Mamie Denise

Présente-nous une recette traditionnelle qui te tient à cœur…

« Tout le monde faisait des rillettes autrefois ! La recette consiste à faire cuire des morceaux de cochon pris dans la partie grasse, des petits morceaux de lard qu’on mettait dans un chaudron sur le feu. On laissait cuire et en cours de cuisson on enlevait des morceaux pour faire des rillauds. Le reste restait à mijoter pendant plusieurs heures pour faire des rillettes. »

Qui préparait ce plat ? Comment t’a-t-il été transmis ?

« Moi je n’en préparais pas, mais mes parents en faisaient. Pierrot (ndlr : son mari) en a fait aussi ici, dans le garage. Ont étaient écœurés par l’odeur du gras à la fin de la journée ! [rires]

Avant, en Anjou, chacun faisait ça dans sa famille. Quand on tuait un cochon on utilisait tout, on faisait du jambon, du boudin, et des rillettes bien sûr ! On conservait le jambon et le boudin dans la cheminée. Ça prenait un bon goût de fumé c’était excellent ! Et les rillettes, on les mettait en bocaux. Comme la graisse remontait à la surface, ça se conservait bien, on n’avait même pas besoin de stériliser les bocaux. Et ça se conservait comme ça, d’une année sur l’autre.

C’est le Père Tiercelin qui m’a transmis la recette. Il avait une ferme. Ma mère avait travaillé pour lui, elle gardait ses enfants. En réalité, il avait transmis cette recette à ma mère et je l’ai récupérée quand j’avais 18 ans environ. »

Que t’évoque ce plat ? As-tu des souvenirs particuliers ou des anecdotes qui y sont liés ?

« Quand j’étais petite, en hiver, on faisait des veillées. On partait avec nos parents, parfois les voisins, chez les amis, dans les fermes. De 21h à minuit, on jouait aux cartes, on triait les flageolets, on discutait… Puis on prenait un casse-croûte avec du bon pain frais et des rillettes, du jambon, du boudin. Et on rentrait bras-dessus, bras-dessous en chantant des chansons qu’on apprenait à l’école ou des chansons paillardes que nous apprenaient les anciens ! On n’avait pas la télé à l’époque, c’était bien différent ! »

Ce plat te semble-t-il plutôt ancien ou récent ? Est-il en train de disparaître ? À quel territoire penses-tu qu’il soit rattaché ?

« Oh oui, c’est une recette ancienne ! Je ne pense pas qu’elle soit en train de disparaître mais maintenant plus beaucoup de gens préparent les rillettes eux-mêmes, ce sont juste les bouchers qui les font. Et puis maintenant, on en mange avec modération, alors qu’avant c’était tout le temps ! Maintenant il ne faut plus manger ci, il ne faut plus manger ça… Pourtant des rillettes à manger comme ça avec du pain bien frais, c’est un véritable délice ! Et puis on avait l’habitude de cuisiner à l’époque, j’ai l’impression que ça se perd. »

As-tu connaissance d’autres variantes de ce plat ? Ou de plats similaires dans d’autres pays ou régions ?

Crédit photo : Denise et Pierrot dans les années 50 à Angers

« Pas vraiment. Il doit y en avoir mais je ne les connais pas. Enfin si, il y a les rillettes du Mans, mais sinon je ne sais pas. C’est vraiment bien typique d’Anjou, ça c’est sûr ! »

Comment et quand ce plat est-il consommé en général ?

« Oh juste comme ça, avec du pain frais. De la baguette ou des grandes tartines du gros pain qu’on faisait autrefois. Les rillettes se mangent en entrée, ou en casse-croûte comme le soir quand on sortait. On mangeait plus souvent de la rillette que du pâté. »

Y a-t-il d’autres plats traditionnels que tu as à cœur de transmettre à tes enfants ?

« On faisait beaucoup le pot-au-feu ! C’était bien pour une grande famille, on remplissait le chaudron avec les légumes et on servait ça avec une vinaigrette, ça nourrissait tout le monde ! Et après, fromage ! On mangeait surtout du camembert quand j’étais jeune. Pas de plateau de fromages, ça coûtait bien trop cher. »

À quoi associes-tu la cuisine et le temps du repas ? En quoi est-ce que cela te semble important dans une culture, une société ?

« Je trouve ça important. Si tu ne sais pas cuisiner ce n’est pas très bon. Alors que là tu as non seulement le plaisir de cuisiner mais aussi encore plus de plaisir au moment de déguster. Pour moi la cuisine, c’est le plaisir ! »

La recette des rillettes d’Anjou

Ingrédients :

  • Morceau de porc (poitrine, épaule, talon de jambon…)
  • Panne de porc (ou saindoux)
  • 10 g de sel par livre de viande
  • Eau

Optionnel :

Rognons, rate, morceaux de poitrine de porc (pour faire des rillauds)

  • Si vous faites une petite quantité, utiliser un fait-tout ou une grande cocotte-minute.
  • Si vous faites une grande quantité, utiliser un chaudron en fonte bien nettoyé.

Vous pouvez mettre à cuire avec vos rillettes des rognons et de la rate (cuisson 3h), les rillauds pris dans le flanc du porc et du jambonneau (cuisson 4h). La cuisson est terminée quand la viande glisse de la fourchette.

Étapes :

  1. Prendre un morceau de panne ou de saindoux et en frotter le fond et le tour du récipient choisi
  2. Couper toute la graisse en morceaux de 1 à 2 cm. La faire fondre dans le récipient
  3. Couper tout le reste de la viande et l’ajouter dans le chaudron. Saler le dessus de la viande avec 10g de sel par livre et ajouter, selon la quantité de viande, 1 à 2 L d’eau en prenant soin de la verser à côté de la viande pour que le sel ne tombe pas au fond du chaudron. Cette eau s’évaporera au début de la cuisson et laissera le temps à la graisse de bien fondre
  4. Bien surveiller la cuisson, particulièrement à la fin. Mélanger souvent au début et à la fin. Il ne faut pas que les rillettes prennent au fond
  5. Faire cuire 4h30 à 5h
  6. 1h avant la fin de la cuisson des rillettes, en mettre un peu dans une assiette, laisser tiédir puis goûter pour voir si elles sont assez salées. Si oui, les laisser. Si non, mettre 2 verres d’eau frémissante dans laquelle vous aurez fait dissoudre du sel. Attention à ne pas vider le fond de la casserole ! En aucun cas il ne faut mettre de sel non dissous dans les rillettes chaudes.
  7. Une fois cuites, laissez tiédir les rillettes puis émiettez lès. Mettez lès en pots ou bocaux et recouvrez d’une couche de graisse que vous aurez fait refondre au besoin.

Bonus

Quelle est ta madeleine de Proust ?

Quand j’allais chez ma grand-mère le dimanche il y avait toujours le lapin à mijoter sur la cuisinière. Mais je crois que ma madeleine de Proust c’est surtout le petit-déjeuner que j’avais quand j’allais là-bas ! Mon grand-père faisait lui-même son pain dans le four qui était dans la chambre, alors le matin on avait droit à de grandes tartines qu’on mettait dans le grille-pain qu’on plaçait devant le feu de cheminée. Il sentait bon le bois fumé ! Et dessus on mettait un bon bout de beurre que ma grand-mère faisait elle-même avec le lait de leur vache. Et puis il y avait aussi toujours des gâteaux de Savoie qu’elle faisait avec la crème du lait.

Trois invités que tu aurais envie de réunir autour d’une table de dîner ?

J’inviterais mon gendre, Gilles et Pierrot, mon mari qui est décédé. Ah ça, il aimait manger ! Il ne mangeait pas en grandes quantités mais c’était un vrai gourmet. Et puis Denis, mon fils aîné.

Ta « world food » préférée ?

J’aime bien le couscous. Et j’aime bien aussi manger chinois, je prends souvent des nems.

Un restaurant à nous conseiller ?

À Saint Mathurin sur Loire, dans mon village, il y a la crêperie Le Cosy qui est très bon. Là-bas ils m’appelaient toujours « Madame la Colonelle » parce que je commande toujours un colonel au dessert et ce n’est pas courant. [rires]